Orazio Puglisi

Le beau ! Quoi d'autre ?

Esthétique Arabo Islamique

L’esthétique arabo-islamique, ou esthétique islamique, ne se rapporte pas exclusivement à la religion, mais à toute la pensée de la culture et du contexte islamique, et aux pratiques religieuses et profanes. Faute de textes, il n’est pas possible de connaitre les théories esthétiques de l’époque préislamique. Les philosophes islamiques n’ont pas rédigé d’œuvres se rapportant strictement à l’esthétique, mais dans leurs discussions à propos de Dieu, ils abordent différents débats dont les thèmes (arts, beauté, imagination…) sont étudiés aujourd’hui dans cette discipline.

Les idées sur la beauté sont inspirées dès le ixe siècle, par les doctrines néoplatoniciennes, notamment celles de Plotin, avec un texte arabe diffusé sous le nom de Théologie d’Aristote, qui influença les philosophes Al-Kindi (801-873), Al-Farabi (872-950) et Avicenne (980-1037). Ces philosophes reprennent notamment la distinction entre beauté sensible et beauté intelligible, et les liens avec la perception, l’amour et le plaisir. Dans La Cité vertueuse, Al-Farabi introduit l’idée de beauté intelligible dans les discussions sur les noms de Dieu. Il invoque la beauté et perfection de Dieu, pour justifier les rapports de transcendance entre perfection, beauté et plaisir. Les œuvres humaines sont ainsi intrinsèquement imparfaites (comparées à celles de Dieu) ; il s’établira au fil des siècles dans la société islamique des débats sur la pertinence de la représentation figurée dans l’art. Dans son Traité sur l’Amour, Avicenne détaille plus encore les distinctions entre la beauté intelligible et sensible, et les formes de plaisir ou d’attirance, en considérant aussi des éléments psychologiques et spirituels. Avicenne affirme, par exemple, que le désir pour la beauté sensible peut être une noble chose, aussi longtemps que ses aspects purement animaux sont subordonnés, et que l’intelligible conserve la faculté d’influencer le sensible.

Une part importante des discussions philosophiques concerne les arts, plus particulièrement la rhétorique et la poésie arabe ou persane45. Inspirée par les commentateurs grecs d’Aristote, cette approche des arts est moins esthétique, que linguistique et logique. Les philosophes s’interrogent sur l’efficacité du langage, ses mécanismes linguistiques, ses usages (religieux, politique), ses capacités cognitives (persuader, faire imaginer). L’existence de la rhétorique et de la poésie demeure aussi essentielle pour les philosophes, dans leurs explications des liens complémentaires entre religion et philosophie (Al-Farabi, Averroès 1126-1198).

La musique est l’objet de plusieurs interprétations suivant les écoles : si les oulémas la considèrent avec une certaine méfiance, les soufis lui accordent un rôle spirituel important. Al-Ghazâlî (1058-1111) consacre de nombreuses pages sur les effets de l’audition de la musique, de la poésie et de la prière sur l’âme, et les philosophes comme Avicenne développent des théories mathématiques sur les sons, en rapport avec la musique des sphères.

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