Image mise en avant : Copie du Diadumène de Polyclète, v. 100 av. J.-C., musée national archéologique d’Athènes
La sculpture est probablement l’aspect le plus connu de l’art grec antique, celui qui permettait pour un contemporain de la Grèce antique, mais après la peinture, d’offrir les plus beaux présents aux dieux, célébrer les héros et obtenir leur protection. Les sculptures grecques, souvent par l’intermédiaire de leurs copies et variantes romaines, ont servi de références permanentes aux sculpteurs du monde occidental, surtout depuis la Renaissance italienne jusqu’aux toutes premières années du XXe siècle.
Seule une faible partie de la production sculpturale grecque nous est parvenue, tandis que quasiment toute la peinture a disparu, hormis les céramiques peintes. Beaucoup de chefs-d’œuvre décrits dans la littérature antique sont désormais perdus ou extrêmement mutilés, et une grande partie ne nous en est connue que par des copies, plus ou moins habiles et fidèles, de l’époque romaine. Beaucoup de celles-ci ont été restaurées par des sculpteurs occidentaux, de la Renaissance à nos jours, parfois dans un sens bien différent de l’œuvre d’origine : tel discobole se transforme ainsi en gladiateur mourant, tel dieu reçoit les attributs de tel autre, les jambes de telle statue se trouvent greffées au tronc de telle autre. Le travail de dé-restauration permet, dans certains cas, de retrouver l’œuvre, même fragmentaire.
Cependant les découvertes archéologiques nous font connaître, sans cesse, autant de nouvelles statues monumentales en marbre et parfois en bronze ou en terre cuite, que la multitude des statuettes. Celles-ci , par leur nombre, témoignent de l’émulation qui animait le travail des sculpteurs en Grèce, sur cette longue durée : du VIIIe siècle au IIe siècle avant notre ère. Enfin la recherche scientifique sur cet ensemble constamment augmenté nous permet de mieux appréhender ces réalisations et le contexte culturel de leur production. Ces connaissances nous permettent d’autant mieux de les apprécier sous de multiples aspects.
Matériaux
La plupart des sculptures grecques qui sont parvenues à l’ère moderne sont en pierre, le plus souvent en marbre blanc. Dans l’Antiquité, néanmoins, les Grecs sont loin de favoriser ce matériau. Il est alors en concurrence avec le bronze, la technique du chryséléphantin (incrustations d’or et ivoire), mais aussi l’argile et le bois.
Le bois
Le bois est utilisé principalement à l’époque archaïque, pour réaliser les xoana, figures grossières, caractéristiques de la religion pré-olympique. Le plus célèbre est celui d’Orthia, identifiée ensuite à Artémis, dans le sanctuaire spartiate d’Artémis Orthia. La seule cité de Sparte comprend, selon Pausanias (III, passim), plus de 15 xoana. Certaines de ces statues sont habillées ou portent des armes, témoin le xoanon d’Aphrodite en armes à Sparte.
Les Grecs archaïques recourent également, principalement au VIIe siècle av. J.-C., à la technique du sphyrélaton, attestée déjà chez les Hittites et les Égyptiens : il s’agit de recouvrir de plaques de bronze martelées une âme en bois. C’est ainsi le cas de statuettes de culte représentant Apollon, Artémis et Léto, trouvées dans le sanctuaire de Dréros, en Crète, remontant au VIIIe siècle av. J.-C.
Cependant, le bois est également employé pour des travaux plus raffinés. Ainsi du coffre de Cypsélos, tyran de Corinthe de 655 environ à 625. Pausanias fournit une description détaillée (V, 17, 5 et suivants) du coffre, exposé à Olympie jusqu’aux premiers siècles apr. J.-C., avant qu’il ne disparaisse. Le coffre est fait de cèdre orné de figures en ivoire ou en or, et représente des scènes de la guerre de Troie.
Du fait de la fragilité du support, peu de sculptures en bois nous sont parvenues. On peut citer un fragment de statuette votive, haut de 28 cm, trouvé à Samos, reproduisant peut-être la statue du culte d’Héra. Il est actuellement exposé au musée d’Archéologie de Samos (no H41).
La terre cuite
L’argile est un matériau fréquemment utilisé pour la confection de statuettes votives ou d’idoles, depuis la civilisation minoenne jusqu’à l’époque hellénistique. Au VIIIe siècle av. J.-C., en Béotie, on fabrique ainsi des « idoles-cloches », statuettes féminines à jambes mobiles : la tête, petite par rapport au reste du corps, est perchée au bout d’un long cou, tandis que le milieu du corps est très ample, en forme de cloche. Au début du VIIIe siècle av. J.-C., les tombes dites « de héros » reçoivent des centaines, voire des milliers de petites figurines, à la figuration rudimentaire, représentant généralement des personnages aux bras levés, c’est-à-dire des dieux en apothéose.
Par la suite, les figurines de terre cuite perdent leur caractère religieux. Elles représentent désormais des personnages de la vie quotidienne. Aux IVe et IIIe siècles av. J.-C., les figurines dites « de Tanagra » témoignent ainsi d’un art raffiné. À la même époque, des villes comme Alexandrie, Smyrne ou encore Tarse produisent en abondance des figurines grotesques, représentant des individus aux membres déformés, aux yeux exorbités, arborant des rictus et se contorsionnant. Ces figurines sont également réalisées en bronze.
La terre cuite est cependant peu employée pour la grande statuaire. L’exception la plus connue est le Zeus enlevant Ganymède d’Olympie, réalisé vers 470 av. J.-C. Dans ce cas, la terre cuite est peinte.
La technique chryséléphantine : or et ivoire
Le matériau le plus coûteux est également le plus apprécié des Grecs. Il consiste en une âme de bois plaquée d’ivoire pour représenter la chair, et l’or pour représenter les vêtements. Les exemples les plus connus sont les statues (perdues) d’Athéna Parthénos à Athènes ou de Zeus à Olympie (l’une des Sept Merveilles du monde), toutes deux réalisations de Phidias.
Peu de vestiges subsistent de cette statuaire : les œuvres réalisées selon cette technique sont fragiles. À l’époque hellénistique déjà, les inventaires des trésors des temples de Délos signalent qu’un morceau d’or s’est détaché de la statue chryséléphantine d’Apollon. En outre, l’ivoire et l’or sont des matériaux précieux tendant à être arrachés et récupérés. Nous conservons trois têtes et des fragments grandeur nature, découverts à Delphes sous la voie sacrée, datant du milieu du VIe siècle av. J.-C.
L’ivoire est également travaillé seul. Taille des défenses d’éléphant oblige, la production se limite à des statuettes. Les premières subissent l’influence orientale. Quatre d’entre elles, figurant des femmes nues, ont été retrouvées dans le cimetière du Céramique, à Athènes ; elles remontent à 735–720 av. J.-C. Par la suite, le travail de l’ivoire s’éloigne du modèle oriental ; les statuettes sont agrémentées de métaux précieux. Ainsi d’un danseur, élément d’une cithare d’apparat, retrouvé à Samos dans le sanctuaire d’Héra, datant du début du VIIe siècle av. J.-C.
Le métal : du bronze à l’argent
Après la technique chryséléphantine, le métal, notamment l’airain : le bronze (mais aussi des alliages ternaires et quaternaires) est le matériau le plus apprécié des Grecs. Abondamment employé à l’époque minoenne ou mycénienne, sa technique s’est perdue au cours des siècles dits « obscurs ». Les Grecs l’apprennent de nouveau au contact des peuples du Proche-Orient et de l’Égypte. Le travail de la fonte pleine limite d’abord la taille des pièces. On recourt à la technique mixte du sphyrélatos pour pallier cet inconvénient. Les chevaux votifs de l’époque géométrique recourent à un autre subterfuge : les artistes utilisent des fils épais et des feuilles bombées pour figurer les différentes parties de l’animal.
Tout à la fin du VIe siècle av. J.-C. est découverte par le sculpteur Rhoïcos la technique de la fonte à la cire perdue sur négatif (ou « en creux »), palliatif de la technique sur positif, permettant de conserver le modèle et le moule originels et d’avoir une épaisseur de bronze plus régulière et plus fine, donc moins de problèmes au refroidissement. Cette méthode, selon Pausanias, serait empruntée à l’Égypte, mais ce point reste très contesté. Grâce à cette innovation, le travail du sculpteur se déplace : il devient, dans les sources, le « plastes », le modeleur, et peut réaliser un travail nettement plus virtuose. Dès lors, le bronze devient le matériau de prédilection des sculpteurs, qui semblent en général avoir été aussi les fondeurs.
Le procédé suit plusieurs étapes : un modèle exactement ressemblant à la figure voulue est créé par le sculpteur puis découpé en plusieurs morceaux. Un moule est ensuite réalisé autour de chacun des morceaux ; cette étape est primordiale, puisque c’est grâce à elle que la sculpture aura son aspect définitif. Le noyau est alors ôté, et conservé, mais les Grecs ne semblent pas avoir pour autant dupliqué leurs sculptures, au contraire des Romains. Le moule est ensuite nappé de cire. Pour cette étape, plusieurs processus sont utilisés : le battage, c’est-à-dire le nappage par de la cire liquide, l’application à la main ou au pinceau. On introduit ensuite un noyau en terre réfractaire, puis le premier moule est enlevé. La fonte se poursuit alors comme une fonte à la cire perdue sur positif : des canaux de cire servant à l’alimentation en bronze et à l’évacuation de la cire et des gaz sont ajoutés, puis un moule en argile réfractaire englobe le tout. Le moule est chauffé pour évacuer la cire et le cuire avant d’y couler le bronze fondu. L’ensemble doit être ensuite refroidi, la statue dégagée et ciselée à froid, puis patinée ou cirée.
L’usage de patines volontaires dans la Grèce antique est encore très problématique pour les historiens de l’art.
Outre le bronze et les alliages similaires, les sculpteurs utilisent plusieurs autres matériaux métalliques, notamment pour donner de la polychromie à leurs statues par des incrustations. Ainsi les lèvres sont-elles le plus souvent dans un alliage très riche en cuivre, donc très rouge. Jusqu’au milieu du Ve siècle, les sourcils, le sang et les pointes des seins des hommes nus sont incrustés dans ce même matériau. Il arrive également que les dents soient plaquées d’argent, comme dans le cas de l’Aurige de Delphes (où elles ne sont pourtant pas visibles), et un doigt provenant de l’Acropole d’Athènes atteste de la véracité du récit de Pausanias quand il parle d’ongles en argent. Quant aux yeux, il arrive qu’ils soient l’œuvre d’un artisan spécial, comme l’attestent les sources pour la période romaine (l’artisan est appelé oculus faber). Le globe oculaire, en marbre, ivoire, calcaire ou pâte de verre blanche est évidé pour y glisser l’iris en pâte de verre, quartz ou cristal de roche, qui comporte lui-même une cupule où placer la pupille, dans un verre de couleur différente ou en obsidienne. Le tout peut être maintenu par des arceaux métalliques. Les incrustations de l’iris et de la pupille n’emplissent pas entièrement la cavité qui leur est destinée, afin que la lumière puisse jouer avec. Des nuances très fines peuvent être obtenues, comme dans le cas d’une tête d’enfant hellénistique provenant d’Olympie dont l’iris est dans une pâte de verre brune avec des reflets violacés.
Le marbre
Matériau privilégié à la période archaïque, le marbre est supplanté au Ve siècle par le bronze, mais reste encore largement utilisé dans les sculptures architecturales. Le marbre était souvent peint, comme celui de l’Aphrodite de Cnide, au IVe siècle, et se voyait parfois augmenté d’éléments de bronze, éventuellement dorés. Les marbres blancs de nos musées sont bien éloignés des originaux, dans leur contexte antique local.
Un sculpteur professionnel devait prendre une année entière pour sculpter une statue de grande taille, généralement légèrement supérieure à la taille humaine à l’époque classique.
Périodes et styles
- la période néolithique, allant de 6500 à 3500 av. J.-C. ;
- le style cycladique, allant de 3200 à 2000 av. J.-C. ;
- la période géométrique, allant de 1050 à 700 av. J.-C. ;
- la période orientalisante, allant de 700 à 600 av. J.-C. ;
- la période archaïque, allant du VIIIe siècle à la fin du VIe siècle av. J.-C. ;
- le premier classicisme, représenté par des sculpteurs comme Phidias, Myron ou Polyclète, au Ve siècle av. J.-C. ;
- le second classicisme, période dominée par Praxitèle et Lysippe, qui s’étend du IVe siècle av. J.-C. au règne d’Alexandre le Grand ;
- la période hellénistique, dont les œuvres emblématiques sont la Vénus de Milo, le groupe du Laocoon du Vatican ou encore la Victoire de Samothrace, qui va de la mort d’Alexandre en 323 av. J.-C. jusqu’à la domination romaine.
Ces périodes correspondent à des styles différents plus qu’à des espaces géographiques.
En effet, bien que réalisés souvent en Grèce continentale, dans les Cyclades ou en Asie Mineure, les œuvres ou les modèles archaïques et classiques ont été largement diffusés par le commerce maritime, et des centres de production ont émergé dans les colonies grecques au plus tard au VIe siècle av. J.-C.
Les œuvres hellénistiques sont produites dans des centres plus divers, aussi bien sur le pourtour égéen, notamment en Asie Mineure (Pergame), qu’au Levant, en Italie et en Afrique du Nord (Alexandrie, Cyrène, Carthage).