Les différentes écoles nāstika
Nastika, pour les écoles brahmaniques, désigne les écoles non-orthodoxes, qui ne suivent pas les Védas. Pour les autres écoles, ce terme désigne ceux qui ne croient pas en l’au-delà, ou ceux qui sont athées.
Le Ājīvika
Ājīvika (sanskrit en devanāgarī : आजीविक ; également écrit sous les formes Ajivika et Ajivaka) désigne un ancien mouvement philosophique matérialiste, athée et ascétique fondé par Gośāla, appelé aussi Maskariputra , ayant vécu en Inde vers le Ve siècle av. J.-C. La doctrine ājīvika est proche du bouddhisme et du jaïnisme. Ses partisans étaient des śramanas, des moines mendiants. Leur doctrine était un fatalisme strict sans libre arbitre: l’âme de chaque créature transmigre selon un principe cosmique impersonnel appelé « niyati » (« destinée ») sans dieu ; le déterminisme et le karma étaient leurs valeurs principales avec l’ascétisme.
Le charvaka
Chârvâka (IAST: cārvāka) est le nom d’un penseur indien du VIIe ou VIe siècle av. J.-C., mais aussi de son système de pensée – aussi connu sous le nom de Lokāyata, de loka, le monde, soit la seule chose qui existe véritablement.
Il s’agit d’une philosophie matérialiste, athée et hédoniste, qui crois au libre arbitre et qui réfute la théorie de la transmigration et n’admet que la perception comme moyen de connaissance. Ce penseur appartient à la génération ayant remis en cause le brahmanisme et nié l’existence des dieux védiques et du védisme d’où découle les rites sacrificiels, à l’instar du jaïnisme et du bouddhisme.
Le jaïnisme
Le jaïnisme partage de nombreuses et apparentes ressemblances avec l’hindouisme et le bouddhisme, mais doit en être cependant différencié. Contrairement au bouddhisme mais en accord avec l’hindouisme, le jaïnisme croit à l’existence de l’âme : le jiva25; en revanche, le jaïnisme se différencie de l’hindouisme et du sikhisme dans le sens où l’âme du libéré du cycle des réincarnations ne se fond pas dans l’âme cosmique, dans l’âme universelle, mais demeure en son individualité; en rapport avec sa notion de Dieu : un deva ou dieu est dans le jaïnisme un homme qui est libéré par ses seuls propres efforts, c’est-à-dire ses prières et son ascétisme; il n’y a pas d’Être Suprême Cosmique comme l’entendent les hindous; on peut de le jaïnisme est philosophiquement un transthéisme. La morale en amont et en aval primordiale d’un point de vue métaphysique est l’Ahimsa, la parfaite non-violence.
Le bouddhisme
À l’origine, la doctrine du Bouddha est plus une philosophie qu’une religion, mais seulement si on accepte d’entendre le terme de « philosophie » dans son sens originel de « amour de la sagesse26 ». Pierre Hadot a montré l’importance durant l’Antiquité de la conception de la philosophie, non comme un discours savant sur le monde, Dieu ou le moi, cherchant à faire système, mais comme exercice spirituel menant à la transformation de soi-même27. Or c’est dans ce schéma que s’inscrit clairement la philosophie du Bouddha. Le Bouddha ne se livre pas à des spéculations métaphysiques, mais bien à l’observation minutieuse des faits, et parmi eux à un problème central de notre existence: la souffrance. Tout l’effort du bouddhisme consiste à trouver une solution à cette épine de la souffrance. C’est pourquoi le Bouddha28 a énuméré les Quatre Nobles Vérités qui constituent la colonne vertébrale de sa pensée :
- la Noble Vérité de la Souffrance,
- la Noble Vérité de l’Origine de la Souffrance,
- la Noble Vérité de la Cessation de la Souffrance,
- la Noble Vérité du Chemin qui mène à la Cessation de la Souffrance.
Ce thème de la cessation de la souffrance va marquer considérablement la pensée indienne, pas seulement les écoles bouddhistes, mais aussi les courants hindouistes. Pour le Bouddha, ce chemin qui conduit à l’extinction de la souffrance (extinction se disant « nirvâna » en sanskrit) se résume dans le Noble Octuple Sentier29 : vue juste, pensée juste, parole juste, action juste, moyens d’existence juste, effort juste, attention juste, concentration juste. Ce Noble Octuple Sentier constitue le cœur du bouddhisme, et non un quelconque culte religieux du Bouddha. C’est vraiment l’outil par excellence pour nous affranchir de la souffrance. C’est à tel point vrai que quand Ananda demande au Bouddha agonisant comment vouer un culte aux reliques sacrées du Bouddha, celui répond : « Ne vous occupez pas de rendre un culte au corps de l’Ainsi-Allé30 Occupez-vous de votre propre tâche. Engagez-vous dans votre propre tâche. Demeurez attentifs, résolus dans votre propre tâche31 ». Et cette tâche, c’est de demeurer vigilant et persévérant dans le Dharma du Bouddha afin de se libérer de l’ignorance, de l’illusion et de l’attachement à la souffrance. Et pour ce faire, il convient d’observer le réel tel qu’il est.
À ce titre, le bouddhisme est une « leçon de choses » (Dhamma en pali, Dharma en sanskrit), l’enseignement de la réalité, un exposé des faits, une analyse minutieuse des phénomènes au détriment de la spéculation religieuse. C’est un point important qui différencie le Bouddha des Vedas et Upanishads hindouistes : le Bouddha n’essaye pas de répondre aux grandes questions métaphysiques pour se focaliser sur la seule question de la souffrance et de sa résolution. Le Bouddha explique cela dans sa métaphore de la flèche : imaginons un homme touché par une flèche et qui ne voudrait pas la retirer tant qu’il ne connaît pas l’homme qui l’a tirée, sa caste et son origine, tant qu’il ne connaît pas le matériau de la flèche et sa provenance, et ainsi de suite… L’homme aura le temps de mourir avant d’avoir retiré la flèche32…
Autre différence importante d’avec la philosophie hindoue, c’est le refus par le Bouddha du concept d’Atman, le Soi, le « je » permanent, l’âme éternelle. C’est la doctrine de l’Anatman ou non-soi. Le « je » n’est aux yeux des bouddhistes qu’une création mentale qui fluctue au gré des états de conscience et des événements. Il n’y a rien de permanent dans ce « je » ou cette conscience, mais un processus continuel de transformation33. L’image qui est souvent avancée est celle d’un fleuve qui n’est pas identique à deux endroits de celui-ci, mais reste quand même le même fleuve dans sa continuité. Le Gange n’est pas le même à sa source, à Bénarès ou à son embouchure quand il se jette dans l’océan; pourtant il reste le Gange. De même, la philosophie bouddhique ne reconnaît pas une identité éternelle ou permanente au « je », mais reconnaît une continuité qui court au travers du flux des différents instants de conscience. Et c’est cette succession rapide d’instants de conscience, qui donne cette impression illusoire d’un ego permanent, d’un Atman.
Le bouddhisme donnera naissance par la suite à une riche tradition philosophique diversifiée en de nombreuses écoles et courants religieux envers le Bouddha et les bodhisattvas.
Comparaison avec la philosophie occidentale
En Occident, rares sont les philosophes à avoir entrepris de travailler sur la philosophie indienne34.
Outre son livre sur l’idée du sacré, Rudolf Otto a écrit une étude comparative sur Adi Shankara et Maître Eckhart. Plusieurs doctrines qui définissent les Upanishads, tels que ceux sur Dieu (brahmavada), l’âme (atmavada), la transmigration (karmavada), l’illusion (mayavada) et le salut (mokshavada) ont influencé les philosophes roumains35. Lucian Blaga a été influencé par Adi Shankara. Le philosophe roumain a écrit qu’il y a deux sortes de connaissances : supérieure (paravidya selon Shankara) et inférieure (aparavidya selon Shankara). La première est la connaissance de Dieu comme nirguna Brahman (Dieu sans attributs), tandis que la seconde est la connaissance de Dieu comme saguna Brahman (Dieu avec des attributs)36. En citant plusieurs auteurs européens, Lucian Blaga a souligné qu’Adi Shankara « est le meilleur métaphysicien de tous les temps »37. Lucian Blaga a été également influencé par la philosophie bouddhiste. Le bouddhisme n’est pas entendu comme pessimiste. Le concept de la souffrance provient ni du pessimisme, ni du nihilisme, mais du réalisme38. Mircea Eliade a été influencé par la philosophie indienne dans sa conception sur la religion comme expérience du sacré et sur l’homme comme « homo religiosus », ainsi que dans ses théories sur le sacré et l’hiérophanie. Il a publié plusieurs articles sur les Upanishads dans sa jeunesse39 et plus tard quatre livres en français sur le yoga.
La France a eu une contribution remarquable en indologie, approfondie par les travaux des érudits comme : Michel Angot, Madeleine Biardeau, Jean Filliozat, François Gros, René Guénon, Jean Herbert, Olivier Lacombe, Michel Hulin, Paul Masson-Oursel, Louis Renou et Jean Varenne.
Philosophes indiens modernes
Parmi les personnalités les plus représentatives : sages, philosophes, enseignants, érudits ou maîtres spirituels, figurent : Râmakrishna, Vivekananda, Krishnamurti, Sri Aurobindo, Ramana Maharshi, Shivananda, Chinmayananda, Mâ Ananda Moyî.