Image de Mise en avant : Lamartine par Decaisne
Le romantisme
Le romantisme nourrit toute la première moitié du XIXe siècle et pour la poésie plus précisément les années 1820–1850 : par convention, des Méditations poétiques de Lamartine, en 1820, aux Contemplations de Victor Hugo en 1856. Ce mouvement esthétique européen fait une place toute particulière au lyrisme et à l’effusion du moi avec un goût marqué pour la mélancolie : les poètes vont donc exprimer leur mal de vivre et leurs souffrances affectives en méditant sur la mort, sur Dieu, sur l’amour et la fuite du temps, sur la nature et sur la gloire, et au-delà de ces thèmes lyriques traditionnels sur la fonction du poète (Hugo) et sur une perception plus originale du fantastique avec Nerval, Nodier, Maurice de Guérin ou Aloysius Bertrand.
Au-delà des thèmes pas toujours novateurs, les poètes romantiques revendiqueront un assouplissement de l’expression versifiée à la recherche d’une plus grande musicalité et de quelques audaces dans les mots et dans les images, chez Victor Hugo en particulier.
Cette recherche de nouveauté se concrétisera aussi par l’« invention » simultanée du poème en prose par Maurice de Guérin (1810-1839) avec « Le Centaure » et « La Bacchante », publiés par George Sand et Sainte-Beuve après sa mort de la tuberculose, et Aloysius Bertrand (1807-1841) dans Gaspard de la nuit, publié en 1842 également après la mort du poète, qui initient une forme que reprendront plus tard Baudelaire et Rimbaud.
Poésie de la sensibilité et d’une certaine musicalité, la poésie romantique se plaît dans des poèmes plutôt longs que la génération suivante trouvera pesante, oratoire, bavarde et convenue (Rimbaud parlera de « la forme vieille »), avec des exceptions notoires comme Nerval (1808-1855) et son recueil des Chimères (1854) ; certains poèmes de cette période constituent cependant des pièces de référence qui touchent encore le lecteur d’aujourd’hui7.
Mentionnons les œuvres principales de cette époque romantique marquée par une création abondante :
- Alphonse de Lamartine (1790-1869) : l’initiateur, lyrique et religieux. Recueil :
- Méditations poétiques (1820) (poèmes : Le Lac, Le Vallon.…)
- Harmonies Poétiques et Religieuses (1830).
- Alfred de Musset (1810-1857) sensible et émouvant :
- Alfred de Vigny (1797-1863), métaphysique et sombre :
- Les Destinées (1864) (poèmes : Le Cor, Moïse, La Mort du loup, La Maison du berger…).
- Victor Hugo (1802-1885) qui domine le siècle avec sa poésie multiforme, lyrique, épique, satirique et engagée, sociale, métaphysique et philosophique… Recueils :
- Les Orientales (1829) (poème : Les Djinns)
- Les Feuilles d’automne (1831) (Ce siècle avait deux ans…)
- Les Chants du Crépuscule (1835) (Les Semailles)
- Les Voix intérieures (1837) (À Eugène, vicomte H.)
- Les Rayons et les Ombres (1840) (Fonction du poète, Tristesse d’Olympio, Oceano Nox…)
- Les Châtiments (1853) (O Soldats de l’an deux !, Souvenir de la nuit du 4, L’expiation : Il neigeait…/Waterloo)
- Les Contemplations (1856) (« Demain, dès l’aube… », À Villequier, Le Mendiant, Ce que dit la bouche d’ombre)
- La Légende des siècles (1859–1883) (La conscience : Caïn, Booz endormi, L’aigle du casque, Les Pauvres gens).
- Gérard de Nerval (1808 – 1855), dense et mystérieux :
- Les Chimères (1852) (El desdichado)
Fichier audio | |
Gérard de Nerval – Poésie 1830/1835 | |
Lecture audio de l’intégral des poèmes 1830/1835 de Gérard de Nerval. |
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Le Parnasse
Le Parnasse est un mouvement qui se fait jour en réaction contre l’effusion égocentrique du romantisme ; il veut recentrer la poésie sur le travail formel du poète et développe une théorie de « l’art pour l’art »8. Cette école, héritière de Théophile Gautier, est représentée surtout par Leconte de Lisle (1818-1894) avec ses Poèmes antiques (1852 – 1874) et ses Poèmes barbares (1862–1878), et Théodore de Banville (1823-1891) (Odelettes – Odes Funambulesques en 1857 et animation de la revue du Parnasse contemporain).
L’influence de ce mouvement n’est pas à négliger : la densité et l’expressivité seront retenues par les poètes suivants et c’est d’ailleurs à Théophile Gautier que Baudelaire dédiera Les Fleurs du mal et à Théodore de Banville que le jeune Rimbaud écrira en 1870. Le recueil tardif des Trophées de José-Maria de Heredia en 1893 témoigne aussi de la pérennité de l’approche parnassienne, symbolisée par la forme contraignante du sonnet9.
Charles Baudelaire
Charles Baudelaire (1821-1867) est l’un des poètes majeurs du XIXe siècle. Associant le souci formel des poèmes courts (ou plutôt courts) et le réalisme (Une charogne – Tableaux parisiens…) à l’expression d’une angoisse existentielle partagée entre le Spleen et l’Idéal (Harmonie du soir – La cloche fêlée – La Mort des pauvres), il a su réussir une « alchimie poétique » exemplaire en extrayant Les Fleurs du mal dans son recueil publié en 1857 (condamné partiellement pour outrage aux bonnes mœurs) qui contient ce vers révélateur : « Tu m’as donné ta boue et j’en ai fait de l’or ». Poète du monde réel et de la beauté, du bonheur et de la souffrance, de la morbidité et du péché, il a en grande partie fondé le type du poète tourmenté et inadapté au monde. Baudelaire a également donné au poème en prose sa notoriété avec ses Petits poèmes en prose (Le port – Un hémisphère dans une chevelure…)10.
Les poètes de la fin du siècle
– Les figures de Verlaine (1844-1896) et de Rimbaud (1854-1891) prolongent le type du poète maudit par leurs vies hors des normes sociales. Si Arthur Rimbaud (Une saison en enfer ; Illuminations) reste comme le « voleur de feu », le voyant et l’aventurier éphémère de la poésie avec ses fulgurances et ses révoltes, Paul Verlaine, avec une œuvre plus longue, est associé à la musicalité, au lyrisme mélancolique et à une sorte d’impressionnisme avec son art de la nuance, « Sans rien en lui qui pèse ou qui pose ». (Poèmes saturniens – Les Fêtes galantes – Sagesse…). On peut leur adjoindre Lautréamont (1846-1870) qui laisse inachevé Les Chants de Maldoror, prose flamboyante de révolte contre Dieu et la société que découvriront les surréalistes.
– Mallarmé (1842-1898) recherche quant à lui le raffinement et la concision parfois hermétique dans une œuvre rare (L’Après-midi d’un faune ; Un coup de dés jamais n’abolira le hasard ; Poésies, regroupement posthume) qui influencera Paul Valéry11.
– Les années 1880 voient s’affirmer des courants aux contours incertains comme le décadentisme et le symbolisme qui ont en commun l’éclatement de la forme poétique avec l’utilisation du vers libre et le refus du prosaïsme au bénéfice de la suggestion avec un goût pour le raffinement et l’irrationnel12. On peut citer les noms de Jean Moréas, Henri de Régnier, Albert Samain, Tristan Corbière, Georges Rodenbach… Notons aussi pour leur fantaisie Charles Cros et Jules Laforgue, qui ne sont parfois pas si loin des chansons d’Aristide Bruant, lui-même lointain successeur de Béranger.
Un nombre important de poètes français du XIXe siècle étaient fils de militaire : Hugo, Vigny, Pétrus Borel, Aloysius Bertrand, Leconte de Lisle, Théodore de Banville, Nerval, Rimbaud, Verlaine et Charles Baudelaire, dont le beau-père était officier.